Cher cahier de récitations,
Tu étais le plus beau des cahiers. On s’appliquait pour écrire sur ta page de gauche – à l’encre violine et à la plume sergent-major – et, sur celle de droite, on faisait des dessins magnifiques.
En face de : « Mignonne, allons voir si la rose… » de Pierre Ronsard (qu’il a écrit tout près d’ici, au château de Talcy, pour la fille des propriétaires, Cassandre, dont il était tombé amoureux), on n’avait pas trop de mal pour dessiner des roses.
Mais ça se compliquait avec les fables de La Fontaine. Passe encore pour la fourmi, mais une cigale, à quoi ça ressemble ? La tortue, ça allait, mais sur le lièvre on n’arrêtait pas de gommer avant qu’il ressemble à quelque chose.
Le pire, c’était Rimbaud, « Le dormeur du val », parce qu’un soldat, déjà, ce n’est pas facile, même s’il dort. Mais il fallait le dessiner dans le bon sens parce que les « deux trous rouges », c’est « au côté droit » qu’il les avait.
« Ah la la !, dit la fille des instituteurs. Tout ça me revient comme une claque ! »
Mon cher cahier, des décennies plus tard, on peut encore s’émouvoir en pensant à toi.
Simone.