Lettre 065 : De la tarière à toi, homo sapiens

Salut à toi, homo sapiens !

Je m’appelle Edelman… mais appelle-moi Edel.
D’abord, je me présente, voici mes mensurations :
Taille : 1m20 (je sais, je ne suis pas grande… mais ça ne signifie rien)
Poids : à peine 1 kg (et oui l’activité quotidienne maintient la forme et la ligne)
Morphotype : en T, longiligne (svelte)
Largeur de poignées : 38 cm (passe partout)
Diamètre du bassin (de lames) : 7 cm (parfois mon cousin de 4 cm est appelé à la rescousse)
Voilà je crois que j’ai fait le tour…

Je suis LA tarière qui accompagne partout le pédologue du coin qui fait des cartes des sols, en veux-tu en voilà… Je sonde et lui observe, scrute, décrit, et analyse le sol. Nous faisons une fine équipe bien que nous soyons souvent seuls, parfois au milieu de nulle part… C’est l’impression que cela donne.

Nous sillonnons le Loiret, de long en large, du nord au sud, d’est en ouest… et tout en profondeur. Nous traversons les différentes régions naturelles (Beauce, Gâtinais, Orléanais, Puisaye, Berry, Sologne, Val de Loire,…) où nous observons, grâce à mes mensurations exceptionnelles, et un peu à la force des bras de mon compagnon, acolyte (voire mon meilleur ami), les différents sols et paysages de ce département si variés, marqués par la présence de la Loire qui à elle seule rend ce territoire unique.
Je vois l’agriculture de notre beau département autrement, à travers les sols… qu’ils soient limoneux, argileux, sableux, ou les trois mélangés, profonds ou peu épais, hydromorphes ou sains, humides ou secs, calcaires ou non calcaires, parfois acides, chauds ou froids, caillouteux ou non, etc. Je préfère les sols au contact doux et soyeux, frais voire humides, meubles et aérés… sans cailloux si possible car ils usent ma taille de guêpe… et mon partenaire, qui ne se ménage pas.
J’aime à nous appeler les poinçonneurs du Loiret : avec mon partenaire, nous faisons « des trous, des p’tits trous encore des p’tits trous, Des p’tits trous des p’tits trous toujours des p’tits trous, des trous de seconde classe, des trous d’première classe ». Nous travaillons au cœur des sols, des vers de terre et toute la vie biologique qui l’habite sans qui la VIE sur notre bonne vieille Terre et l’agriculture n’existeraient pas.

Nous traversons les cultures si variées, à tous les stades (du labour, semis jusqu’à la moisson parfois), de blé, d’orge, de maïs, de betteraves, de colza, de pommes de terre, d’oignons, de pois, de féveroles, de lin et de luzerne et également des vergers voire des vignes… plus rarement bien sûr car nous sommes quand même souvent dans les parcelles toujours plus grandes de grandes cultures. Et nous allons aussi en forêt, celles qui sont gérées durablement.
Nous croisons sur notre chemin des troupeaux de vaches élevées au plein air, des chevaux et des ânes mais aussi, plus sauvages, des chevreuils et des lièvres qui décampent dès qu’ils nous voient, ou nous sentent ; ils nous observent comme si nous étions « venus d’ailleurs », « Bijour Missssieu Vincent » ; puis qui s’habituent à notre présence, très vite finalement… Comme quoi ce n’est pas si bizarre de faire des trous partout… même pour les animaux.
Enfin les agriculteurs et agricultrices nous accueillent toujours chaleureusement, parfois avec un peu de méfiance (nous sommes chez eux tout de même), mais aussi de curiosité et d’intérêt car ils comprennent, peut-être encore plus aujourd’hui, l’importance de mieux connaître, et se réapproprier le support de leurs cultures, de leur travail et au final de leur revenu… le SOL.

Mais pourquoi faisons-nous cela… ? eh bien, c’est simple : pour mieux connaître et inventorier les sols de notre territoire qui sont le support de toutes ces cultures et de ces élevages ; pour mieux les préserver de l’urbanisation croissante ; pour mieux les gérer au sein de cette agriculture qui nous nourrit tous : omnivores, carnivores, végétariens, végétaliens, etc.

En plus les sols agricoles pourraient dans l’avenir TOUS NOUS SAUVER (j’exagère volontairement…) du réchauffement climatique global en stockant une bonne partie du carbone du CO2 de l’air grâce à une couverture quasi-permanente toute l’année… et limiter les effets du changement climatique dont tout le monde parle et dont on commence tout juste à voir les effets… Bien sûr il faudrait que tous les acteurs s’y mettent, mais cela est possible… les sols et l’Agriculture sont notre Avenir !!

Moi, Edel, fait le serment de suivre partout, coûte que coûte et sans contrepartie mon partenaire et confident le pédologue, qui nous trouvera toujours un sol chaleureux, intéressant à sonder, découvrir et décrire… Je jure fidélité aux sols et à ceux qui s’investissent pour mieux les connaître, les comprendre, et mieux les gérer…

EDEL, tarière au service des sols

P.S. : voilà je me suis enflammée, encore une fois, mais c’est souvent la passion et les convictions qui prennent le pas sur la raison…