Lettre 089 : Du chêne truffier à vous

Cher vous,

Je suis né quelque part dans les Alpes, au milieu des montagnes. Je pensais grandir dans la région ou au moins à proximité mais mon sort a été tout autre.
Mis dans un camion en plein hiver avec des centaines de mes copains, nous avons fait un long voyage avant de découvrir avec stupéfaction notre destination : la BEAUCE !!!! C’est tout plat et il n’y a pas d’arbres ! Quelle idée saugrenue de vouloir nous faire grandir ici ! Je crois que je vais être malheureux dans ce paysage si monotone.
Pourtant, je n’ai pas le choix et je suis installé dès le lendemain au milieu de la plaine où je vais passer toute ma vie, entouré de mes copains. Je dois dire que nous sommes choyés, on nous porte une grande attention et sommes très bien nourris dans cette terre très accueillante. Au fil des jours, je me sens de mieux en mieux, surtout quand vient le premier printemps, je peux enfin montrer mes plus beaux atours. L’année se passe, avec le défilé des saisons et des couleurs qui changent, c’est pas si moche que ça, tout compte fait.
Les années se succèdent et je grandis encore, la vie autour de moi s’organise, je m’amuse de voir les coqs faisans se chamailler pour une belle, les lièvres s’abriter du soleil, les merles me squatter… J’apprécie moins quand les chevreuils viennent se frotter à moi ! Mais c’est la vie et on s’occupe toujours aussi bien de moi, j’ai même droit à une séance de coiffure tous les ans, pendant l’hiver. Je ne suis pourtant pas au bout de mes surprises, un matin du 7ème hiver, deux beaucerons et six pattes sont venus me chatouiller les racines et soudain j’entends des cris de joie : wouf-wouf dit le premier tandis que le deuxième répète « une truffe, une truffe !»
C’est à ce moment que j’ ai compris que ma venue était un formidable pari, pari réussi grâce à la qualité du terroir mais surtout à la grande attention que l’on m’a portée pendant toutes ces années et qui, je sais, va perdurer encore longtemps pour le bonheur de tous.

Un chêne truffier