Lettre 103 : De la petite ferme à vous

« Les murs ont des oreilles »…

Moi, petite ferme beauceronne, je vous affirme que c’est vrai ! Depuis un siècle et demi, j’entends tout ce qui se dit entre mes murs : conversations, disputes, soupirs, regrets…

Rien que d’y penser, j’en frissonne. Tenez :
« -Fils de paysan, tu es… Paysan, tu deviendras ! »
Ainsi parlait le père.

Une vie entière de labeur, à travailler des heures et des heures, des jours et des jours, sans aucun repos pour nourrir LES HOMMES DE LA TERRE !

Et lui, avait à peine de quoi remplir son écuelle. Tout ce qui sortait de la terre retournait à la terre…

Et pourtant, il l’aimait cette vie au fil des saisons, avec les sons de la nature pour compagnons, les couleurs variées des paysages. Il garde encore le souvenir des complicités avec Hector, le cheval de sa jeunesse. Ils accordaient si bien leurs pas au temps des labours. Le bruit de moteur a accompagné sa vie d’adulte, mais ce n’était déjà plus pareil… Alors quand il voit les mastodontes de maintenant, il voit bien qu’ils n’ont rien à faire dans ses petits lopins.

Pourtant… quand son fils a décidé de quitter la terre pour une vie plus décente avec une vie de famille, il en a eu le cœur brisé ! Il n’avait pas le droit d’abandonner ce que ces ancêtres avaient si durement gagné à la sueur de leur front ! Le monde s’est écroulé…

Il a tout tenté pour le retenir. La terre était à lui et lui à la terre. En vain…

Des années après, il a du mal à admettre ce choix. Et pourtant, quand il voit sa santé usée, sa faible retraite, la complicité perdue, il se demande si vivre pauvre pour mourir riche est acceptable pour un jeune du XXIème siècle…

La petite ferme beauceronne