Lettre 031 : Du bois aux promeneurs

Qui suis-je ?

Ce n’est pas le hasard qui me donna la vie, mais les mains d’un chasseur amoureux de la nature. Ma naissance fut laborieuse et dura quelques mois ; treize ans plus tard, je ne suis encore qu’un bébé, car ma vie peut durer très, très longtemps si je ne meurs que de vieillesse.
Ce ne fut pas le cas pour beaucoup de mes congénères qui ont été décimés, déracinés durant la période des remembrements des petites parcelles de terre.

Mon arrivée dans une grande plaine céréalière a été diversement appréciée : certains ont vu en moi une aubaine, et d’autres, au contraire, une source d’ennuis.

Une aubaine pour toute la faune sauvage qui trouve en moi un asile, une protection contre les multiples agressions dont elle est victime. Beaucoup d’animaux qui la composent viennent en mon sein former une famille ; certains me chatouillent les pieds, d’autres me font des nœuds dans les cheveux, d’autres encore m’égratignent la peau, que sais-je encore…
J’apporte aux promeneurs une variante dans le paysage, un peu de relief et de couleurs, mais surtout beaucoup de bien-être.

Les chasseurs m’apprécient pour d’autres raisons : ils savent que chez moi ils auront peut-être l’opportunité de débusquer un gibier.
Cependant, il est vrai que je peux être une gêne pour les travailleurs de la terre, car je les empêche « de tourner en carré » et je peux faire ombrage à leurs cultures.
D’autre part j’ai la fâcheuse tendance à prendre mes aises et à empiéter chez le voisin ; pourtant malgré toutes ces nuisances que je peux occasionner, je me sens bien seul et j’aimerais beaucoup avoir de proches voisins.

Je ne suis aucun régime or mon corps varie beaucoup, très étoffé à la belle saison, je deviens squelettique en hiver. On a même beaucoup de mal à me reconnaître.

Je suis de bonne constitution car je peux protéger aussi bien de la chaleur que du froid et surtout du vent que rien n’arrête lorsqu’il balaie la plaine.

Je pense que vous m’avez tous reconnu ; je suis… je suis un bois. Je dis « un bois » car mon géniteur ne m’a pas encore baptisé, mais j’espère que cela ne saurait tarder. J’aimerais bien devenir le « Bois des Epinettes » pour honorer et justifier ce nom porté par le lieu-dit où j’habite à Charsonville.

Au plaisir de vous accueillir,

Le bois