Lettre 045 : Du séchoir à maïs aux promeneurs

À vous qui vous promenez le long du chemin, je voudrais dire mon inquiétude. Je sais, il fait beau, le moment n’est pas très bien choisi et je ne vous en voudrais pas si vous n’alliez pas au bout de cette lettre…

Je ne suis pas celui que l’on admire au milieu de la plaine, moi le pauvre séchoir à maïs situé à l’ombre des dernières maisons du hameau. Je ne paie pas de mine mais, pendant des années, de septembre au printemps, je regorgeais de beaux épis dorés. Pas du maïs à bestiaux, du petit maïs rond pour les pigeons, ils en raffolent. Il en partait beaucoup en Belgique où il y a tant de coulonneux…

Aujourd’hui mon ventre est définitivement vide et je désespère de mon devenir. Depuis peu, une rampe d’irrigation est arrivée dans notre plaine. Mon ami le marronnier et moi gênons les allers et retours de « la pisseuse », comme je l’appelle. Lui a été préservé parce qu’il sert de point de repère pour les avions et que sa présence embellit notre paysage. Moi, je n’aurai pas cette chance et mes jours sont comptés. Je pense que l’hiver prochain mes vieux poteaux d’acacia seront mis à terre et mon grillage démonté. Et pourtant, que de bons souvenirs lorsque l’on s’affairait autour de moi ! Le travail était dur, surtout au moment du battage, mais se faisait avec courage et bonne humeur.

Voilà, chers promeneurs, c’est ainsi, le monde évolue. Je ne sais donc pas si j’aurai l’occasion de vous revoir mais si, un jour, vous croisez un autre séchoir à maïs, pensez à moi. Avant de partir, vous savez ce qui me ferait plaisir ? Ce serait que vous me preniez en photo avec mon vieux copain le marronnier, que tout le monde sache que j’ai vécu là, dans cette plaine que j’aime…
Le séchoir à maïs