Lettre 047 : De Bébert le ver de terre à un promeneur beauceron

Cher promeneur beauceron,

Dans la plaine de Beauce, comme dans beaucoup d’endroits sur la planète, je suis le plus important de tous les animaux, je fais partie du groupe animal dont la biomasse est la plus importante, plus lourde que tous les éléphants, que toutes les baleines de cette Terre et que vous, tous les hommes. Qui suis-je ?
Alors tu as trouvé, non, tu pêches !?
Le ver de terre… plutôt une des 13 familles et 6000 espèces vivantes sur notre Terre ; des petits et des gros, des longs et des courts, de surface ou de profondeur, je travaille le sol depuis des millénaires !!
Oui, je fais des trous, des petits trous, toujours des trous, je suis poinçonneur des pelouses, des jardins, des forêts et des champs !
Je remonte à la surface pour trouver des débris de végétaux que j’ingère pour faire de l’humus, que j’enfouis dans le sol pour nourrir les plantes.
Je favorise la perméabilité du sol – l’eau pénètre mieux -, son aération – l’air circule mieux – et dégrade la matière organique, je recycle le carbone.
Et tu vois, je ne suis pas là pour amuser la galerie !
Mais depuis 1500 ans, toi, l’homme, tu me facilites pas la tâche, avec ta bêche ou ta charrue attelée à tes complices le cheval ou le bœuf, tu veux me remplacer.
Depuis 80 ans, tu me mets au chômage, alors que tu consommes de plus en plus d’énergie pour faire mon travail : motoculteurs ou tracteurs retournent la terre à grands coups d’énergie fossile et de dollars. Tu m’asphyxies en enfouissant ma nourriture, soumise aux moisissures anaérobies, qui me donnent la nausée.
Franchement, tu nous enterreras tous ! Un comble pour un ver de Terre !
Mais sur notre planète, les ressources sont limitées. Tu le sais bien, toi le moins bête du règne animal. Si tu cherches à copier la nature, dompter la biodiversité, tirer l’énergie inépuisable du soleil, tu reposeras enfin, tes deux pieds sur terre.
En sortant ta houe ou ta charrue moins souvent, en couvrant toujours le sol par des plantes pour me fournir toujours à manger, arrêter la jachère qui met à la diète, je te stockerai un maximum de carbone que tu as ressorti des profondeurs de la terre…             …/…
En fait je ne sais faire que cela, capter le carbone, fertiliser le sol, épurer l’eau, recycler tes déchets organiques, voilà mon job.
Pour arrêter de faire trinquer la planète, il te faut bien des petits vers !

Bébert, le ver de Terre !