Lettre 004 : De Marie-Paule à la petite église

  • Canton : Patay
  • Commune : Patay

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Petite église,

Tu ne vois plus beaucoup de fidèles n’est-ce pas ?  Tes portes s’ouvrent rarement pour un enterrement et pourtant, tu es toujours là ! Tu protèges les tombes qui vieillissent autour de toi.
Une fois l’an, je pousse la porte de ton petit cimetière et là, bouleversée, je retrouve mon enfance.
Combien de fois ai-je pu grimper sur le mur d’enceinte ? Si ma grand-mère m’avait surprise !…
Elle n’était déjà pas très contente, en se rendant sur la tombe de son défunt mari, quand elle voyait la trace de ma nouvelle marelle devant la porte. Moi, je ne comprenais pas très bien pourquoi  puisqu’elle passait chaque fois par le CIEL. Malgré tout, j’aimais bien l’accompagner sur la tombe de Pépé, décédé trois mois avant ma naissance. C’était joli, avec la multitude de fleurs qu’elle y mettait toujours. Mais ce que je préférais c’était , quand avant les Rameaux et la Toussaint, elle lavait les petits cailloux qui recouvraient le monument funéraire. Tu n’as pas oublié non plus la musique joyeuse qu’ils produisaient lorsque Mémé les brassait dans l’eau. En y repensant, cela me rappelle le film « L’eau vive ».
Pour pouvoir faire le ménage, Mémé était la gardienne de ta grosse clé. J’adorais pénétrer dans tes entrailles avec elle. Ton calme et ta sérénité m’impressionnaient et de temps en temps, je m’enhardissais et soulevais le couvercle de ton harmonium et j’appuyais sur les touches !
Mémé roulait de gros yeux. Sacrilège !
Te souviens-tu des 15 août de cette époque ?
J’ai la nostalgie de cette procession, qui, la nuit venue, nous conduisait nombreux à marcher en cortège autour du pré aux moutons. La ferveur était à son comble lorsque nous entonnions avec conviction et solennité « Ave Maria », tenant bien droit notre cierge allumé, protégé du vent par son habit de papier.
Petite église au chœur bleu parsemé d’étoiles, continue à veiller sur notre belle Beauce, résiste aux vents et aux tempêtes, domine pour longtemps les champs aux riches couleurs et vibre aux chants des moissons.
Tu es pour toujours dans mon cœur.

Marie-Paule, une petite fille des années…d’il y a …

PS : Surtout, ne dis jamais à personne qu’un jour, j’ai confectionné de magnifiques colliers avec les perles des couronnes mortuaires. Ce sera notre secret !