Lettre 008 : De l’ancien coq aux villageois

  • Canton : Patay
  • Commune : Villeneuve sur Conie

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Aux villageois,

Tout le monde me connait !
Mais si, je vous assure, je ne suis pas orgueilleux, au contraire, je suis très discret et peu de personnes prennent conscience de ma présence.
Je suis le Coq, celui qui vous donne le sens du vent en haut du clocher de l’église.
Ah ! Mais non c’est vrai, pour être honnête, je suis l’ancien coq ! Mais je garde en mémoire tout ce que j’ai pu voir pendant les cent ans où j’étais perché au plus haut de ma campagne.
Ce qui m’a le plus impressionné, c’est l’immensité des plaines de Beauce  parsemées de quelques petits villages ; c’est là que sont mes copains : les coqs de Patay, Tournoisis, Villamblain… mais la brume nous isole parfois les uns des autres.
Ce que j’aime par-dessus tout, c’est quand la neige revêt de son beau manteau blanc les champs, les toits, les routes autour de moi. Quand le soleil brille, j’ai l’impression d’être dans un océan de petits diamants qui scintillent.
Le rire des enfants faisant des batailles de boules de neige me réchauffe le cœur.
Tantôt, c’est le téléviseur de mes voisins que j’entends car leur grand âge les a rendus un peu sourds !
A Noël, je vois les sapins clignoter de toutes leurs petites ampoules multicolores et les chants qui montent jusqu’à moi me remplissent de joie.
Je me souviens aussi des cloches qui sonnent, juste en-dessous et, pauvre de moi, je ne peux même pas me boucher les oreilles car mes pattes sont scellées à un pic en métal.
Après le vacarme des cloches, ce sont les cantiques qui résonnent dans l’église : tantôt joyeux, tantôt tristes, selon les événements.
Deux fois par an, je vois des adultes et des enfants passer devant moi avec une gerbe de fleurs qui est déposée au Monument aux Morts et après une minute de silence, la Marseillaise retentit.
Puis un jour, un triste jour, dirais-je, on a décidé de mettre un paratonnerre en haut du clocher et c’est là que l’on a constaté mon terrible état de santé extérieur ! Sans que je n’aie eu le temps de dire un mot, on a décidé de me remplacer !
Oh, bien sûr, on m’a rendu un dernier hommage en me faisant faire le tour du village en compagnie de mon remplaçant, tout beau, tout neuf et fier comme Artaban.
Depuis ce jour, je vis dans un coin de l’église, dans le chœur et maintenant je peux voir et entendre tout ce qui s’y passe. Je mets des visages sur ceux dont j’entendais les voix. Et quand l’église semble vide, troublée seulement par le bourdonnement d’une mouche ou le vol d’une hirondelle qui a du mal à trouver la sortie, ou le bruit des voitures, j’habite avec des personnes très importantes, silencieuses mais qui me disent tout l’amour de Dieu pour les hommes !

L’ancien coq.