Lettre 050 : De Gilberte à la plaine

  • Canton : Beaugency
  • Commune : Cravant

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Plaine, ô ma plaine,

Je ne te reconnais pas !
Où est la plaine de ma jeunesse ?
Au printemps, les champs de « Faraud rouge » que l’on coupait à la faux pour nourrir le bétail faisaient des taches rouges parmi les blés.
Puis au mois de juin, c’était le rose des sainfoins que l’on fanait ou que l’on laissait grainer.
Puis les luzernes bleues odorantes pleines de beaux petits papillons et que l’on entassait en meulons avant de les rentrer. Puis les petites fleurs en pompons des trèfles violets et jaunes. Tout cela faisait une mosaïque qui sentait bon la nature. Maintenant, au printemps, ce sont des étendues jaunes de colza.
Le matin, l’alouette s’élançait dans le ciel en poussant son « tire lire ». Les rouges-gorges, les pinsons, les mésanges, les chardonnerets  faisaient leurs nids dans les arbres. Puis venait la moisson que l’on récoltait à la faucheuse-lieuse et que l’on mettait en «trioux » ! Cela durait un bon mois. Maintenant, des machines puissantes et polluantes te débarrassent en une dizaine de jours de ta moisson. Il ne reste que les tournesols qui vont mûrir et devenir tout noirs.
Autrefois, les hommes suivaient leur petit matériel tiré par les chevaux, tout en sifflant des airs de chansons et s’arrêtaient pour causer un peu avec les voisins sur la « tornière ».
Tu n’as pas vieilli, on t’a transformée, motorisée, industrialisée. De grands mâts, par endroit, s’élancent dans le ciel et soutiennent des pales qui tournent au gré du vent pour produire de l’énergie et qui dénaturent le site.
Plus d’oiseaux, plus d’insectes, plus de grillons, même de fourmis.
Plus de coquelicots, de bleuets, de sanves, de chardons dans les récoltes, plus de petites fleurs sauvages sur les fossés tondus et traités !
Plaine, ô ma plaine, comme tu es triste.

Gilberte