Lettre 192 : De Françoise à un chien

  • Canton : Beaugency
  • Commune : Beaugency

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Cher Watson,

Non, tu n’es pas un chien noir mais un très roux : un Setter Irlandais. Pure race, a dit le vétérinaire, donc fragile mais si affectueux !

FUGUEUR, je t’ai ramené de Montlhéry à la maison pour la plus grande joie des enfants.

Tu es tombé amoureux de Violette, setter femelle, rousse comme toi. Elle se sauvait de chez elle et sautait dans le jardin pour te retrouver… Un dimanche tu t’es sauvé. Sarah en pyjama et moi t’avons cherché, appelé, espéré, dans le quartier et t’avons retrouvé assis sur le paillasson de sa maison. Tu attendais, patient, impatient. Chasseur amoureux, mais ne chassant plus que la violette… De tout cet amour, sont nés quatre chiots, tous roux. Qui a dit que les animaux étaient des bêtes ?

PEUREUX tu étais. Chaque jour avant d’aller travailler, je t’amenais au « Lac » de Bondoufle. Chien des marais, tu aimais tant patauger, nager et je retrouvais le soir ces poussières que ton pelage enfin sec avait déposées.

Un jour, le petit lac était gelé. Tu t’es précipité comme à l’accoutumée. Surpris, tu as traversé le lac sur ton séant et t’es enfin arrêté. Tu n’osais plus bouger, tremblant de tous tes membres. Il a fallu venir te chercher, te porter comme un enfant : tu étais terrorisé…

DISTINGUE tu étais : tu retournais délicatement tes babines avec un petit frémissement afin de saisir la nourriture que je te tendais parfois sur la fourchette.

Plus tard tu t’es encore sauvé. Nous t’avons cherché mais pas trouvé. Un jour, près de la pharmacie, à peine ouverte la porte de la 2cv, une masse s’est précipité sur moi : c’était toi ! Je ne savais pas qui était le plus ému, le plus heureux ! J’ai appris plus tard qu’un homme s’était servi de toi comme « étalon » pour la reproduction : les sous, toujours les sous…

POSSESSIF tu étais. Tu n’as pas supporté que ton maître amène un autre chien dans la maison sans te demander la permission ! Tu es parti. Nous avons pleuré. Peut-être t’es-tu fait écraser ? Peut-être as-tu trouvé une autre famille ? Tu n’es jamais revenu… J’avais une photo de toi. Je l’ai donné à Luc… Même si les années ont passé et si la famille s’est éparpillée, tu es là, dans mon cœur, vivant à jamais, Watson.

Et moi, faute de t’avoir oublié, je me suis installée à Beaugency. Et cette ville, je l’ai adoptée car je sais que je peux la garder. Et elle aussi m’a adoptée.

Françoise