Au petit coin qui n’existe pas,
Petit coin, pourquoi n’es-tu pas présent sur cette route Orléans-Châteaudun ? Rien, j’ai beau scruter, chercher, espérer, et pourtant ce ne sont pas les obstacles qui arrêtent l’œil dans cet horizon plat, tu n’es pas là.
Pas de bois, pas même de petit bosquet rachitique mais salvateur, bienvenu en bord de route, tu ne fais vraiment aucun effort pour nous débarrasser de cette envie pressante qui nous taraude immanquablement lorsque tu fais défection.
Serais-tu un brin mysogine pour laisser ainsi dans la détresse la population féminine, là où ces messieurs sont avantagés et se soulagent très décontractés en bord de route, ignorant de cette population féminine scrutant, cherchant, t’espérant… et regrettant ce thé ou ce café de trop !? Veux-tu nous faire croire que l’homme est mieux adapté que la femme au paysage beauceron… Car il n’y a en effet pas que sur cette unique route Orléans-Châteaudun où tu refuses d’apparaître ? De la grande Beauce, ton absence en fait un désert infini pour les dames à la vessie étriquée… Un seul être nous manque et… tu connais la suite.
Certes, le biotope « vaste plaine » ne t’est pas favorable et tu préfères des cieux plus cléments, plus vallonnés ou plus boisés. Mais quel « challenge » pour toi que de trouver ta place, d’être présent sans trop détonner dans ce paysage où les champs rejoignent l’horizon : ne pourrais-tu pas trouver un charme champêtre à être la cabane au milieu du champ de blé après des décennies d’apologie chansonnière sur la cabane au fond du jardin ?
En fait, je suis persuadée que tu es un petit plaisantin qui aime à imaginer ces dames désespérées, à bout de ressources, ne pouvant plus se retenir, jouer les sémaphores, accroupies au milieu d’un champ de blé, la tête et le buste dépassant tel un périscope au milieu d’une mer calme, leur dignité abandonnée.
Allez, arrête de rire, viens faire un petit tour en Beauce, il y a plus de choses à découvrir dans cet espace ouvert que tu ne le crois. Le bruit du blé à maturité qui bruisse sous une légère brise, le dégradé de vert tendre au printemps, la Beauce sous la neige nous transportant sur une autre planète… Viens avant que ces affreux hangars à patates ne prennent ta place en bord de route.
Chloé Nurésie.