Lettre 242 : Du rejet du lilas à un père

  • Canton : Meung sur Loire
  • Commune : Épieds en Beauce

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Cher lilas de Royan,

Peut-être devrais-je m’adresser à toi en te disant : « mon cher père », mais je ne sais pas si tu serais d’accord pour accepter cette filiation, car un rejet, est-il pour autant un rejeton chez les lilas ?
Tu te souviens de moi, n’est-ce pas ? Je poussai à ton pied avant que l’on ne m’arrache pour me transplanter ici en pleine Beauce, coincé entre deux murs gris, tout près d’un chèvrefeuille qui sent si fort les soirs d’été que c’en est entêtant.
Si tu savais comme je regrette notre douce Charente, les brises marines qui montaient de la grande plage de Royan.
Bien sûr, toi tu t’es toujours plaint d’avoir dû quitter Nice, et encore, c’était pour une bonne raison , tu as été le bouquet d’une mariée en plein mois de février 1950 , on t’avait commandé chez un fleuriste du Midi et mis en terre une fois la fête finie.
Alors c’est sûr, toi, c’est la Méditerranée qui te manquait et moi c’est l’océan. Ici rien de tout cela, il n’y a pas d’eau ! Même leurs nappes phréatiques se vident et ils ont un vent qui fait tourner la girouette que j’aperçois du coin de mes branches.
Tu sais, j’ai à mon pied une belle repousse et je crains qu’un jour on ne me l’enlève pour aller la transplanter  toujours plus au nord. Quels tristes destins pour les lilas blancs !
Assez !

Le rejet