Lettre à mon ex-tilleul,
Oui, je sais, je suis en retard pour écrire, comme d’habitude d’ailleurs … On appelle ça la procrastination, l’art de remettre à demain ce que l’on peut faire le jour-même… Autant se lancer puisqu’on peut « poster » sa missive jusqu’au 30 juin.
Pourtant, l’idée de t’écrire m’avait envahi très tôt. Peut-être le jour de la première réunion de présentation des Lettres du Pays où l’exemple proposé à la curiosité des auditeurs commençait par « au tilleul de la place de …. ».
Toi, l’ex-tilleul de la cour de mon humble demeure, et bien tu n’es plus là. Enfin, quand je dis plus là ce n’est pas complètement vrai, tu encombres encore un quart de mon bûcher sous forme de rondins empilés en attente d’une fin glorieuse sur les chenets de la cheminée du salon. D’ailleurs, un auteur dont j’ai oublié le nom, disait dans un de ses romans paysans quelque chose du genre : « l’arbre réchauffe l’homme plusieurs fois : quand on l’abat, quand on le débite, quand on transporte les bûches dans sa grange, quand on va chercher ces bûches pour alimenter le foyer et enfin quand on profite de la douce chaleur de sa cheminée ».
Tu étais déjà là quand je me suis installé dans ce village du Val de Loire, il y a quelques lustres…
Tu étais petit mais déjà vigoureux et tu avais des voisins végétaux qui se sont révélés rapidement encombrants, car plantés bien trop près des maisons alentours.
D’abord les deux peupliers qui réveillaient régulièrement les voisins d’alors, un papi et une mamie adorables, en giflant furieusement leurs volets les nuits de tempête.
Puis un saule qui pleurait généreusement ses larmes vertes sur le toit d’un autre voisin.
Toi, tu es resté, n’embêtant personne, si ce n’est les propriétaires des automobiles à pétrole qui osaient garer leur véhicule sous ta ramure au printemps. Cette saison était d’ailleurs ta préférée je crois, surtout au moment de la floraison odorante et bourdonnante d’abeilles.
Je peux maintenant te l’avouer, je t’aimais bien, j’avais un faible pour toi. En fait, tu me rappelais le tilleul qu’avait planté il y a bien longtemps mon grand-père, à côté de la maison familiale dans le Midi de la France, bien loin d’ici… et tous les jours, j’avais un petite pensée qui me ramenait à mes racines méridionales.
N’espérant pas de réponse retour de courrier, je vais arrêter là cette lettre, mais sache bien que tu garderas une place particulière dans mes souvenirs…
Gaston