Cher touriste,

Permets tout d’abord que je te tutoie : on finit toujours par tutoyer ses amis. Or je souhaite ardemment que nous devenions amis et je prends donc les devants avant même que nous n’ayons fait connaissance.
Tu te demandes certainement qui est cette curieuse rue qui t’écrit ici. Etrange nom, n’est-ce pas, que ce « Pouët Chaumont ». Eh bien vérification faite, dans l’idiome particulier des habitants de cette contrée, on appelle « pouët » une montée, une butte, un chemin en pente. Et comme ce pouët conduisait autrefois, paraît-il, à la demeure d’un certain Chaumont, je fus baptisée « rue du Pouët Chaumont ».
Pas facile à porter, ce nom étrange ! D’autant que phonétiquement, un pouët et un puits sont deux termes très semblables… Et figure-toi qu’il existe par ailleurs à Beaugency une rue du Puits Chaumont, qui se situe en un tout autre endroit de la ville. Voilà de quoi dérouter bien des visiteurs, comme cela déroute déjà fréquemment bien des messagers, livreurs et facteurs intérimaires.
Et pour corser le tout, j’ai été oubliée dans la nomenclature officielle des rues de Beaugency et suis superbement ignorée de tous les GPS. Il est vrai que je ne suis pas carrossable, puisque trop étroite en ma partie supérieure et dotée de deux volées de marches dans ma partie inférieure.
Et pourtant, quel dommage ce serait que de visiter Beaugency sans venir me rendre visite !
Je me situe en plein centre de la vieille cité. Je longe latéralement son superbe hôtel de ville Renaissance et descends vers la rue du Pont, non sans m’épanouir au niveau de deux volées de marches successives séparées par une placette, là où je suis rejointe par la rue des Marmousets (quel joli nom). Je suis bordée de maisons anciennes, certaines couvertes de vigne vierge, les unes patriciennes, les autres pittoresques. Je suis chaque année fleurie de jardinières. De plus, la municipalité m’a offert récemment une monumentale fontaine sise sur la placette, dont les deux jets caressent agréablement les oreilles des passants pendant la belle saison, d’autant mieux que n’étant pas carrossable, je ne crains pas la circulation des automobiles.
Bien des peintres amateurs aiment à planter leur chevalet chez moi.
Et si tes pas te conduisent à moi certain vendredi de juin, tu auras la surprise d’y tomber sur la traditionnelle fête de quartier, où les riverains des trois rues concernées se livrent à moult agapes et libations dans une bonne humeur communicative. Les visiteurs comme toi y sont toujours chaleureusement accueillis, grillades et boissons y voisinant à foison avec les salades, plats exotiques et desserts créés au gré de leur imagination et apportés par les participants.
Crois-moi, mon cher Michel, non seulement tu ne regretteras pas le détour, mais en venant me rendre visite, tu scelleras cette amitié que je t’offre de tout cœur.
Alors… à bientôt ?

rue du Pouët Chaumont