Lettre 364 : D’Anne-Sophie à la Loire en Hiver

  • Canton : Beaugency
  • Commune : Beaugency

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Ma très chère Loire,

Depuis de nombreuses années, des premiers jours de printemps aux derniers jours d’automne, je viens te voir régulièrement. Les rides marquent chaque année un peu plus mon visage mais toi, tu ne changes pas. Tu es toujours aussi belle, sous toutes les variantes de couleur. Tu es toujours la même et pourtant chaque jour différente. On dit de toi que tu es de la couleur du ciel. Mais entre nous, je sais que tu as aussi parfois la couleur de mon cœur.
Lorsque la ville se calme, je viens faire une petite marche à tes côtés, puis je m’assois un moment et je te contemple. Te voir couler avec tant de régularité et de grâce m’apaise. Je viens te confier mes joies, mes espérances, mes doutes, mes questions, mes chagrins d’amour. J’ai voulu tant de fois que tu emportes avec toi mes larmes dont tu étais le seul témoin. J’ai voulu que la fraîcheur de ton eau éteigne mon cœur brisé tout brûlant d’amour. Tu sais tout de moi, de mes pas incertains à mes grandes décisions. Parfois, je viens te voir accompagnée, et je te souffle « Chut, ne leur dit pas… »
Mais ce soir, ma chère Loire, je sens que c’est toi qui as besoin de moi. La nature a revêtu son manteau blanc. Autour de toi, tout est enneigé. Les canards n’osent plus venir. Tout est étrangement silencieux et désertique. Le soleil ne te réchauffe plus. Il fait froid et tes eaux sont glaciales. Je sais que tu luttes, que tu te bats pour ne pas geler, et que tu as mal. L’engourdissement te guette. Alors tu te dis qu’il serait agréable de s’arrêter, de se laisser aller. Pourquoi toujours avancer ? Pourquoi toujours se battre ? L’immobilisme est tentant, même si tu en connais le danger. Le danger de te faire envahir par la glace et de ne plus pouvoir continuer ton chemin.
Ma chère Loire, ce soir je voudrais te réchauffer, comme tu m’as souvent consolée. Bats-toi encore un peu, dans quelques jours le soleil sera plus vigoureux. N’oublie jamais que le temps finit toujours par nous sortir de l’impasse, d’une façon ou d’une autre.
Ma si fidèle compagne, encore un peu de patience, le printemps arrive, et je vais pouvoir reprendre mes balades le long de tes rives.

Anne-Sophie A.