Ma belle,

Tu me sembles bien frileuse, tes bords sont poudrés de gelée blanche, ces jours-ci. Vas-tu, comme cela t’arrive tous les vingt ou trente ans, te solidifier en surface ? Tu roules tes galettes de glace sous les ponts, fascinant les passants qui se hâtent !  Vas-tu te rendre, ainsi parée de glaçons, jusqu’à Tours puis Nantes ? Je t’envie, moi, posté en observation sur le gros toit carré de l’abbatiale. Ah ! Je domine la situation et vois loin ton cours et ta vallée. J’y puis admirer le cours des ans. Printemps rieur où tu te gonfles des neiges fondantes du Massif Central, mais tu épuises ton flot sous l’été. Tu deviens bordée de berges brûlées comme par le cagnard. L’automne passe de même. Parfois les pluies cévenoles engraissent le volume de tes courants à l’approche de l’hiver.
Moi seul, je suis fidèle du haut de ma tour. Là-haut le coq tourne, vire, le vent le malmène. Moi, je t’observe et t’aime tous les jours.

Le guetteur