Lettre 431 : De la route de la Détourbe aux promeneurs

  • Canton : Meung sur Loire
  • Commune : Baccon

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Aux promeneurs,

Tiens, des nouveaux! Ces gens-là foulent mon bitume pour la première fois, car moi ,« Route de la Détourbe », j’en ai vu passer du monde. Il faut dire que je suis une petite route tranquille qui dessert 4 maisons et se termine en cul-de-sac. Dans ces conditions, pas étonnant que peu de véhicules m’empruntent ; par contre, des piétons, j’en ai vu et pas seulement de 7 à 77 ans.

D’abord, des mamans promenant leur bébé dans un landau puis dans une poussette quand le petit, ayant grandi, pouvait profiter du paysage si le ciel était clément. Plus tard, cet enfant foulait mon sol de ses petits pieds avec une démarche pas très assurée. Je voyais revenir le landau, la famille s’étant agrandie, tandis que l’aîné, faisait ses premiers exploits à bicyclette. De temps à autre, je lui ai bien mordu un peu les genoux, les coudes ou les mains. C’est aussi une façon de donner des leçons (il faut bien faire rentrer le métier) !

J’en ai vu des familles, parfois accompagnées d’un chien et là toujours le même rituel : on lâchait l’animal au niveau du transformateur pour le laisser libre pendant la promenade. Ainsi, j’emmenais ce petit monde au bord des champs ou des bois jusqu’à la Mauve, quand elle coulait et là, quel bonheur pour eux de mettre les pieds dans l’eau, de regarder tourner le petit moulin près du pont. L’agriculteur de la ferme de la Détourbe étant retraité, occupait son temps libre à faire quelques créations techniques (avec les moyens du bord) qui s’animaient grâce à la force motrice de l’eau. Cela, c’était il y a plus de 25 ans…

Selon l’époque de l’année, ces familles regardaient les cultures. Ils n’y connaissaient pas grand-chose ; pour les colzas, les maïs ou les tournesols, pas de problème mais pour les céréales, c’était autre chose. J’espère qu’ils ont eu le temps d’apprendre, mais je dois reconnaitre qu’ils ne manquaient pas de curiosité. Ils en posaient des questions : « quel oiseau vient de chanter ? Quel est ce papillon ?  » Tiens un écureuil saute de branche en branche ! Voilà une procession de chenilles ! «  Surtout n’y touchez pas, elles sont urticantes et vous seriez couverts de boutons »  Oh ! voilà une parcelle couverte de fleurs où l’on entend un bourdonnement : une jachère mellifère. On observe les voyages des abeilles avec leurs pattes remplies de pollen.

Que de sorties je leur ai permis de faire !

Ces jeunes, je les ai revus plus tard, en voiture, accompagnés de leurs parents, pour prendre leurs premières leçons de conduite. Ils n’allaient pas bien droit au début et j’ai parfois entendu l’embrayage se plaindre, mais sans dommage en général. Je suis bordée de poteaux supportant les fils du téléphone et bien ,un soir, une voiture en a fauché un ! Pourtant, ce n’était pas un débutant ce chauffeur-là !

Maintenant, je vois toujours passer des tracteurs, mais les lotissements ont vieilli et les enfants sont partis vers d’autres cieux : d’abord le lycée puis les études supérieures et le travail.
Au cours des vacances scolaires, j’ai le plaisir de revoir ces jeunes, qui, à leur tour, ayant fondé une famille, reviennent sur le parcours de leur enfance. Ils le font découvrir à la jeune génération en contant leurs exploits sportifs ou leurs souvenirs. Je vois maintenant les parents qui, retraités, viennent s’oxygéner avec ou sans chien.

De temps à autre, un groupe de randonneurs, guidé par l’Association  Baccon Patrimoine (ABP), essaie de découvrir quelques-uns de mes secrets. Ainsi va ma vie au fil des saisons.

La route de la Détourbe