Lettre 432 : De la Tour Chappe au randonneur

  • Canton : Meung sur Loire
  • Commune : Baccon

Voir toutes les lettres

Au randonneur, au passant,
Approche-toi, randonneur que je vois cheminer sur les chemins de cette belle commune de Baccon.
Approche-toi, je vais te raconter mon histoire. Ah ! Mais je vois que tu as un téléphone portable. Tu te demandes qui je suis, n’est-ce pas ? Je suis le précurseur d’internet, mais aussi un tant soit peu de ton portable. Et oui, je sais ce qu’est cette machine depuis que je l’entends sonner dans les poches de mes visiteurs.
Approche-toi, visite les 4 niveaux qui sont dans mes murs pour comprendre ce que je suis. Quelques mots pour soulever ta curiosité et te donner envie d’entrer et d’en savoir plus.
Personnellement, je suis née le 4 avril 1823. En fait, mes bras ont commencé à travailler ce jour-là, sur la ligne Paris-Bayonne. Mais on avait commencé ma construction au début de l’hiver 1822-1823.
Mon père, c’est Claude Chappe. Grâce à lui, les hommes ont pu transmettre des messages à très longues distances puisque une ligne allait de Paris à Venise. Tu vois le nombre de lieues que cela faisait et elle traversait les Alpes au col du Mont-Cenis à plus de 2000 mètres d’altitude.
A longues distances, mais aussi à grande vitesse puisque les signaux transitaient entre 800 et 1200km par heure selon la météo et l’habileté des stationnaires. Ouais, ce sont ceux qui font fonctionner mon mécanisme.
Nous étions nombreuses en France : 530 stations aux plus belles heures de ma vie. Et sur 4000 km de lignes en France, 5000  km partant de Paris, rue de Grenelle, et atteignant Mayence, Amsterdam, Venise, Béhobie. Quelle gloire, n’est-ce pas !
Approche-toi, te dis-je. Tu veux en savoir un peu plus avant d’entrer. Alors sache que la première ligne est née en 1793, pendant la Révolution. Elle a permis de connaitre rapidement la victoire du Quesnoy. J’ai été au service de l’administration et des militaires exclusivement.
Nous avons, hélas, cessé de fonctionner vers 1845-1850. L’électricité et le système Morse nous a remplacés. Ça allait beaucoup plus vite, ça fonctionnait jour et nuit et quelque soit le temps. Moi, je ne pouvais plus rivaliser.
Je n’ai pas été détruite comme la plupart de mes collègues le furent. Nous sommes une quinzaine de survivantes en France.
Monsieur le Comte de Billy m’a rachetée personnellement vers 1854, puis revendue à la commune. Faut dire qu’il était maire, c’était plus facile. Alors je suis devenue bâtiment communal : c’est ce qui m’a sauvée.
J’ai traversé le temps. J’ai vu une horrible guerre en 1870. Des Prussiens m’ont utilisée en temps qu’observatoire. Ils voyaient bien les troupes avancer dans la plaine. Puis, ils ont été chassés par les mobiles. Quelle terrible bataille dans la plaine, mais surtout dans le bourg de Baccon ! Quelle victoire à Coulmiers pour l’Armée de la Loire de la IIIème République ! Je m’en souviens encore, c’était le 9 novembre 1870. Ça  tirait des coups de feu partout, l’artillerie donnait de la voix, même que le toit de l’église, qui est juste à coté de moi, a reçu des obus.
Approche-toi et rentre. Des personnes sympathiques vont tout te raconter. Comment j’ai été restaurée, en deux fois, par la commune sous la pression de l’ARH et mise en valeur par les bénévoles de l’ABP. Tout le monde s’y est mis. Tu vois comme je suis belle maintenant.
Ils vont tout te raconter sur mon fonctionnement. Il parait même qu’ils ont fait un film en 2010. Je les ai entendu le dire. Un matin, je les ai vus à mes pieds avec leurs caméras. Ils ne sont pas entrés, toujours dehors. Comment ont-ils pu faire un film sur moi sans monter dans mes étages ? Bizarre ! d’ailleurs ils ne me l’ont jamais montré mon film.
Ils le projettent dans la salle de l’Ecu aux groupes de visiteurs. Ah ! Ils en reçoivent des gens : des groupes de marcheurs, des associations diverses, même des vieilles voitures et des motards. Récemment on a eu un groupe de scientifiques, du CNRS je crois. Qu’est-ce qu’ils en ont posé des questions ceux-là. Une fois on a vu un marcheur au long cours. Il venait de Vendôme pour  aller à Jérusalem, sur les traces de la croisade des enfants. Il a dit qu’il arriverait à Noël. Quel voyage! On en eu aussi les enfants des écoles. Des amis d’autres tours sont venus aussi ; ils ont comparé nos mérites entre tours. Tu vois, beaucoup de gens viennent me découvrir.
Approche-toi. Ils sont si passionnés ; ils savent tout de moi, enfin presque tout, car je ne leur ai pas donné tous mes secrets. Ils doivent encore chercher. Allez, rentre voyageur, curieux d’histoire. Passe quelques instants dans mes étages, tu ne seras pas déçu de ta visite.

La tour Chappe de Baccon.