Du cerisier aux merles (par Arlette)

Mes chers merles,

Ca y est. Je vous vois à nouveau me regarder de votre œil rond. Et je reconnais cette lueur de convoitise qui s’allume dans votre pupille. Je sais que ce n’est pas ma robe de neige au printemps qui vous fait cet effet. Bientôt quand le haut s’envolera et que le bas enflera et se gonflera, vous piafferez d’impatience à l’idée de mes rouges rondeurs du mois de mai que vous convoitez déjà de votre féroce appétit. On me nomme Early en botanique et vous, ils vous nomment : « les oiseaux » même s’ils ne vous ont jamais vu me bécoter. Vous êtes discrets mais redoutablement efficaces, et il ne leur reste que les noyaux pour pleurer leur récolte disparue…
Pourtant ils en ont essayé des choses pour protéger leur bien de consommation.
Au début d’internet, ils m’ont déguisé en sapin de noël avec des CD. De ces cymbales argentées, vous vous battiez les ailes.
Une autre fois, j’ai pué très fort la marée parce qu’ils avaient entendu dire que les Chinois laissaient pourrir des moules dans leur cerisier pour éloigner les oiseaux. Ils racontent souvent comment ils ont acheté ces moules chez un poissonnier qui leur vantait la fraîcheur de sa marchandise.
Il y a un ou deux ans, j’ai subi le supplice des harengs accrochés à la plus haute de mes branches. Ils ont d’abord suinté et fini par puer tout l’été.
Alors je vous en prie chers voisins volants dont le plumage vaut tout votre ramage, laissez-leur une part du fromage, sinon ils vont encore être verts de rage.

Votre voisin, le cerisier Early