De la Loire à la Ville de Blois

Hommage de la Loire, à la bonne ville de Blois

Après un long chemin à travers la montagne
Je viens me reposer au pied de ce château
Où se côtoient le lys et l’hermine de Bretagne
Où conspirèrent ligueurs et austères huguenots

refrain
Un jour je serai humaine,
Comme la belle Isabeau
Qui chaque jour se promène
Tout  au long de l’île,
Tout au long de l’eau
Tout  au long de l’île,
Tout  au long du ruisseau,

Le poète m’a dit que j’étais une reine
Il est vrai que François et Louis m’ont aimée
Mais s’il est un endroit où je suis souveraine
C’est mon lit qu’aucun roi n’aura jamais bordé

Parfois en basse ville j’épanche ma colère
Furetant dans les caves, m’emplissant de leur vin
Il faut dire que les hommes ont de viles manières
En déversant en moi la lie de leurs festins

En guise de pardon ils m’ornent d’un diadème
Tout en pierres du pays, prélevées aux coteaux
Et me couvrent de voiles, tandis que le vent sème
Des guiroués de couleur, là où frissonne ma peau

Alors sous l’ombre tendre des grands ormes champêtres
J’étire mes bras graciles dedans les frais verdiaux
La bonne ville de Blois referme ses fenêtres
Pour laisser divaguer mes rêves au fil de l’eau.

La Loire

De la Loire à un vague vagabond (par Michel)

De la Loire à un vague vagabond,

Tiens, je ne te vois plus beaucoup. Je t’aime bien pourtant tu sais, tu me connais, toi. Quand je suis en colère tu t’éloignes avec prudence mais tu me reviens toujours, tu sais que ça ne dure jamais bien longtemps. Et puis surtout, quand au contraire je fais ma flâneuse, j’aime que tu t’allonges sur ma rive, tout contre moi et que tu caresses mes flots que je rends tout doux rien que pour toi. Tu sens tous mes frissons, tu devines mes émois, j’ai des caresses de femme…
Je t’offre les canards, quelques cygnes, plein d’oiseaux… oh, bien sûr, les mouettes sont parfois bien criardes mais tu sais leur pardonner. Nous étions bien ensemble… mais voilà, je te vois de moins en moins, tu ne parviens plus à t’approcher de moi ! Des arbres sans grâce, des buissons aussi touffus qu’inesthétiques ont envahi mes berges, me dissimulant au regard.
Où est-il le fleuve royal classé au patrimoine mondial de l’UNESCO ? Mes rives se dégradent, le paysage originel façonné naturellement par le temps, les activités humaines, les troupeaux de moutons ou de vaches et qui s’est construit au fil des siècles disparaît petit à petit… . Par endroits, de plus en plus nombreux, je n’existe plus ! La Loire n’est plus la Loire. Enfouie dans une végétation aussi hétéroclite que débordante, je n’offre plus ce qui a fait mon histoire. Où sont les larges perspectives ouvertes sur un espace et une lumière uniques qui ont séduit tant de bâtisseurs ?
Chantée par Péguy :
Le long du coteau courbe et des nobles vallées
Les châteaux sont semés comme des reposoirs
Et dans la majesté des matins et des soirs
La Loire et ses vassaux s’en vont par ces allées.
Ou du Bellay
Au fleuve de Loire
de qui la vive course
Prend sa bienheureuse source,
D’une argentine fontaine,
Qui d’une fuite lointaine,
Te rends au sein fluctueux
De l’Océan monstrueux,
Loire, hausse ton chef ores
Bien haut, et bien haut encore,

Et tellement d’autres poètes …
Que me reste-t-il ?
Mon identité se perd de plus en plus dans les lignes de comptes des différentes administrations chargées de me défendre mais qui n’ont plus de logique que financière… Faut-il donc que je déborde ? Inonde le val ? Pour qu’on m’entende enfin ?
Toi qui chemines sur mes bords tu sais tout cela, mais personne ne te prête attention, tu n’es personne… Pourtant tu existes, tu respires le même air que les spécialistes diplômés, prends les mêmes chemins, vois les mêmes choses, mais de plus près, plus naturellement, plus modestement, en toute authenticité. Les grandes phrases et les théories te laissent perplexe. Les poètes m’ont si bien chantée que je ne comprends pas toujours ces exaltations administratives et grandiloquentes qui sont censées me magnifier. Ai-je besoin de cela ? Toi tu me vois souffrir chaque jour un peu plus…
Alors, je t’ai vu, oui je t’ai vu, tu as retroussé tes manches et tu t’es attelé à la tâche. Tu ne voulais plus rester le spectateur complice de cette inéluctable ( ?) dégradation ! Hélas, à peine as-tu commencé à débroussailler, abattre quelques arbres qu’il t’a fallu rendre des comptes. J’ai tout entendu :
« Halte-là, on ne badine pas avec la Loire, on ne badine pas avec la Loi ! Malheureux ! Savez-vous que « toute éventuelle intervention doit être réalisée en accord avec les enjeux environnementaux et notamment de biodiversité, ainsi que patrimoniaux » ?
– Ben, c’est-à-dire que, justement, c’est à ça que je veux arriver, et…
– Vous n’y connaissez rien, « concernant l’aspect biodiversité, une étude d’incidence Natura 2000 devra être menée par un organisme spécialisé afin d’évaluer l’impact d’une telle opération. »
– Eh ben mon vieux, on n’est pas sorti d’affaire et les arbres ont encore de beaux jours, enfin, de belles années devant eux.
– De plus, sachez qu’une « présentation de l’opération à une association de naturalistes est indispensable ! » Par ailleurs, « s’agissant du volet paysager », il faut voir avec la « Mission Patrimoine Paysager et Val de Loire du service Bâtiment, Logement et Aménagement Durables de la DREAL Centre qui devra approuver votre projet et juger de la nécessité d’une étude paysagère. »
– Rien que ça ? Ah non, c’est un peu court, je pense qu’il faudra d’abord créer une commission qui déterminera s’il convient d’alerter un bureau d’études qui décidera s’il faut qu’une nouvelle commission voie si l’on peut mettre en route la procédure avant d’envisager toute forme de démarche préalable ! Comme ça on aura bien notre compte de rapports, d’études d’experts de bureau, de belles déclarations et quelques années d’agitation stérile et … coûteuse ! »

Oh tu m’as bien défendue, mais j’ai vite compris qu’étranglée dans une bureaucratie tatillonne je ne m’en sortirai pas. Certes, je vais continuer d’exister à travers les réunions, les conférences où tout le monde, la main sur le cœur, me jure fidélité et assistance, mais toi qui chemines sur mes rives, tu vois bien que je meurs à petit feu, lentement étouffée par cette végétation tenace qui se rit de mon histoire et a trouvé dans l’immobilisme ambiant un terrain propice à son développement aussi anarchique qu’artificiel.

La Loire

« Oui ma belle Loire, tu trouves beaucoup de défenseurs qui, derrière leurs bureaux, laissent s’ériger les barreaux de ta prison. »
Ainsi philosophait notre vagabond vague et que personne n’écoutait, puisqu’il n’était personne…

Michel