De Gilberte au vent

C’est toi ?

On ne t’a pas vu arriver sans bruit – en courant – Tu nous décoiffes – Quand tu es en colère, tu fais des dégâts sur les toitures et dans les champs, tu courbes les arbres- Tu nous transperces quand tu es froid – Tu nous rafraichis quand il fait chaud – Quand tu es doux, c’est le zéphyr ou la brise mais quand tu es violent c’est l’ouragan, la tempête dévastatrice.
Mais oui, c’est toi – le vent !

Gilberte

Au Vent d’Ouest

À toi le Grand vent d’Ouest,

Je souhaitais t’écrire, à toi. Toi le vent marin. Toi le fond de galerne. Toi, qui remonte le corridor de la Loire depuis son embouchure jusqu’à l’orléanais.

Lorsque qu’un anticyclone s’installe pour la belle saison au large des côtes bretonnes, ton air s’adoucit. Tu remues les blés de Beauce, fait onduler leurs épis pour créer l’illusion d’une houle, une mer de céréales et ses vagues qui s’écrasent sur l’horizon.
Plus bas, sur les bords de Loire, tu balayes la touffeur de l’été pour rendre la canicule plus supportable. Tu donnes au paysage ligérien comme un air de vacances. Ton souffle doux porte jusqu’à nous une odeur fine, à peine perceptible, d’embruns, d’immortelles, d’ajoncs et de goémon. Autant de souvenirs rapportés des côtes Atlantiques. Sternes et mouettes crient sous un ciel sans nuages. La Loire dont le niveau a diminué, autorise pour quelques semaines le baigneur imprudent à s’aventurer dans une eau plus clémente, et les bancs de sable prennent des allures de plages ou d’îles désertes de robinsons.
Là, c’est le dépaysement assuré : en fermant les yeux, on parvient à s’imaginer en bord de mer. Une simple promenade sur les rives du fleuve, et les soucis du quotidien s’envolent dans ton soupir.

Parfois, après une lourde journée, ton souffle frais rencontre une masse d’air chaud remontant du sol. Alors c’est l’inévitable collision. Un déluge brutal et soudain. Le ciel tremble sous les éclairs et le tonnerre. Tous aux abris !
Mais on ne t’en veut pas : finalement toute cette tension retombe très vite, et cette pluie rafraichit l’atmosphère, abreuve les jardins et les champs… Et puis il y a cette odeur si particulière, d’électricité dans l’air, de pluie sur la terre chaude… le petrichor, c’est bien ça ? Tout ça fait aussi partie de ton charme.

Mais si je t’écris aujourd’hui, c’est pour te demander de ne pas abuser des ondées !
Parce que oui, je t’en veux lorsque tu apportes sur nos têtes d’épais nuages sombres qui masquent le soleil et le ciel bleu, des averses incessantes, des bourrasques froides et humides qui nous obligent à ressortir nos vêtements d’hiver ou même à rallumer le chauffage. Toute la nature grelotte, et nous avec elle. Le moral est au plus bas, juste quand nous avons le plus besoin de vacances !
Alors tu me diras que ce n’est pas de ta faute si l’anticyclone a décidé de passer ses vacances plus loin, si le Gulf Stream est trop faiblard cette année pour réchauffer les eaux de l’Atlantique. Et tu as bien raison ! Mais alors pourquoi continues-tu à nous souffler toutes ces crasses dessus ?

Je sais, nous sommes bien difficiles et exigeants, jamais satisfaits du temps qu’il fait, et rarement reconnaissants quand tout est au mieux. Mais là il faut dire ce qui est : depuis des mois tu collabores avec l’hiver qui veut jouer les prolongations.
Je t’en prie, grand vent d’ouest, toi qui fais la pluie et le beau temps ici, fait quelque chose ! Fait cesser la pluie ! Souffle un bon coup et chasse les nuages pour de bon, plus loin à l’est. Apporte-nous un peu d’été !

Je n’ai pas trouvé ton adresse, et l’annuaire m’a été de peu de secours. Alors je jette ce courrier… dans le vent…

C.R. Yves